Lors de ma première visite dans le pays du muscadet au début des années 2000, la situation semblait sombre pour les producteurs de ce vin blanc sec autrefois tout-puissant et idéal avec les fruits de mer. Des années de surproduction non régulée et une approche plutôt cavalière de la qualité dans ces vignobles battus par les vents de l’Atlantique autour de l’embouchure de l’estuaire de la Loire – sans parler de l’émergence de nouveaux concurrents exubérants et fruités venus du nouveau monde – avaient vu les ventes diminuer de manière alarmante. Peu de producteurs que j’ai rencontrés étaient capables de percer le voile général de pessimisme et de désespoir.
L’exception remarquable lors de ce voyage était Guy Bossard, propriétaire d’un petit domaine biodynamique appelé Domaine de l’Écu. Bossard, alors un dynamique cinquantenaire, était un véritable foisonnement d’idées, et ses vins blancs secs captivants étaient tout aussi éloquents. Aussi résonnants, précis et variés que les meilleurs bourgognes blancs, et pour une fraction du prix, ils remettaient en question toutes mes idées préconçues sur le muscadet.
Bossard, décédé l’année dernière, a vécu assez longtemps pour voir la scène locale et le reste du monde rattraper sa vision du muscadet, dont les meilleurs exemples sont désormais reconnus comme le chablis des sommeliers avertis. Il était également, comme j’ai rapidement appris, représentatif des vignerons réfléchis et libres penseurs qui étaient en train de faire de la Loire la région viticole la plus excitante de France, et certainement la plus dynamique de ce siècle.
Une grande partie de cette énergie provient – et continue de provenir – du contingent inhabituellement large et influent de vignerons naturels de la vallée. Mais la Loire abrite également des producteurs créatifs de toutes les philosophies et pratiques viticoles. Et ensemble, ils produisent une plus grande variété de styles que toute autre région viticole en France.
Cette diversité est en partie la conséquence naturelle de l’étendue géographique des vignobles de la vallée de la Loire, qui suivent le fleuve sur 1000 km depuis la source dans le Massif Central jusqu’à l’estuaire à Nantes, imprégné de culture bretonne. Mais, avec tous ces vignobles situés dans une bande qui les classe parmi les plus septentrionaux de France, les vins de la Loire tendent toujours à être élégants et frais.
Cette caractéristique leur confère une affinité naturelle avec la nourriture, particulièrement en cette saison. Un canon des accords classiques de la Loire pourrait commencer par l’un des vins pétillants de plus en plus excellents de la région ou un muscadet sec salin avec des huîtres, et se terminer par une tarte tatin accompagnée de son équivalent liquide : un chenin blanc doux des Quarts de Chaume et une assiette de fromage de chèvre chavignol crémeux et acidulé avec un verre de sancerre argenté, serpentin et herbacé.